W comme Wargner le soldat sculpteur (1837-1884)

Lors du challenge AZ 2015, j'ai consacré ma lettre P à Porquerolles, époque à laquelle je n'avais pas encore totalement abandonné mon projet généalogique relatif à la plus occidentale des trois îles d'Hyères. J'y évoquais déjà le soldat sculpteur en espérant pouvoir en savoir un peu plus un jour !

Fils de Marie-Félicité Wargner, Joseph est né le 27 décembre 1837 à Morsain dans l’Aisne. Enfant naturel, il est reconnu en janvier 1838 par Joseph Wallon, rentier à Soissons. Sa jeunesse est émaillée de condamnations qui lui valent d’être dirigé à l’été 1865 vers le 3e bataillon d’infanterie légère d’Afrique (3e BILA).

Incorporé au sein de l’un des célèbres « Bat’ d’Af  », il est envoyé comme détenu convalescent à Porquerolles en juin 1868. Durant son séjour sur l’île, Wargner met son talent au service de la communauté pour sculpter les quatorze stations qui constituent le chemin de croix toujours visible dans l’église Sainte-Anne.

Un des quatorze tableaux du chemin de croix (S. II)
sculpté gratuitement par Joseph Wargner lors de sa convalescence à Porquerolles

Lettre du 10 février 1870 adressée au capitaine, 
rapporteur du Conseil de guerre de Constantine,
 par l'aumonier de Porquerolles (ANOM)
De retour en Algérie, il est jugé pour désertion par le 1er Conseil de guerre de Constantine et acquitté le 16 mai 1870.

Si le dossier de procédure ne nous est pas parvenu, on retrouve toutefois aux Archives nationales d'Outre-Mer les démarches du père Ollivier en faveur du soldat sculpteur.

Libéré définitivement le 28 juin 1871, le sculpteur s’installe dans l’Oise et épouse le 21 mai 1872 Rose Louise Leroy en l’église de Béthisy-Saint-Pierre où se trouve une autre de ses réalisations.

Si Wargner meurt prématurément à Lille le 8 mai 1884 à l’âge de 46 ans, son œuvre perdure et son parcours atypique interroge toujours.

Outre l’État civil disponible sur les sites des Archives départementales (Aisne, Nord et Oise), différentes sources sont conservées à Vincennes par le Service historique de la Défense.

Dans le registre du 3e BILA (GR 34 YC 5425), le matricule n° 1012 permet de suivre le parcours militaire de « Vargner » et de connaître ses condamnations (abus de confiance, escroquerie, insoumission à la loi du recrutement). On y trouve également son signalement et ses marques particulières « Signe à la joue droite et à la joue gauche ». L’historique du bataillon (GR 4 M 124) complète utilement ces informations en contextualisant les différentes campagnes.

Les archives de la justice militaire (GR J) sont intéressantes à plus d’un titre. Grâce aux sources de l’administration pénitentiaire (GR 3 J 24), on apprend notamment que les corps disciplinaires en Algérie se plaignent de ne pas être informés des mutations (nouvelles condamnations, réduction de peine, désertion, etc.) des hommes envoyés en convalescence au dépôt de Porquerolles. 

C’est dans ce contexte et sur fond d’amnistie du 14 août 1869 que Wargner manque à l’appel le 2 septembre et est déclaré déserteur. Le jugement rendu en mai 1870 (GR 5 J 466) offre des informations complémentaires sur le prévenu, qui déclare être domicilié à Rouen et en garnison à Batna ainsi que sur son acquittement « à la minorité de faveur par trois voix contre quatre ».

Jugement du Conseil de guerre de Constantine 
(Service historique de la Défense, GR 5 J 466)


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