Z comme Zemb

À la lettre O de mon défi 2020, j'ai évoqué le cas des officiers Alsaciens-Lorrains qui ont refusé de signer une option pour la nationalité allemande afin d'êtres libérés, et, qui de fait, sont restés en captivité durant toute la période de la guerre. C'est une autre forme de résistance à l'Allemagne nazie qui a attiré mon attention en visitant le Mémorial d'Alsace-Moselle, celle d'officiers français d'origine alsacienne qui ont refusé d'être incorporés dans la Waffen SS.

Liste présentée au Mémorial d'Alsace-Moselle

Parmi les 42 officiers déportés au camp de Hambourg-Neuengamme à l'été 1944, 22 sont morts en déportation, dont le sous-lieutenant Paul Zemb originaire de Strasbourg-Neuhof. J'ai voulu en savoir plus sur cet ingénieur-électricien dans le civil en consultant son dossier militaire conservé à Vincennes.

Fiche de renseignement concernant
Paul Zemb (SHD, GR 8 Ye 95507)
Bien que peu volumineux, le dossier GR 8 Ye 95507 est riche en enseignements sur le parcours du sous-lieutenant de réserve d'artillerie. Une première fiche de renseignements non datée nous apprend que Paul Zemb est né le 23 septembre 1917 [le 27 en réalité] à Strasbourg et que depuis sa déportation, il n'a pas reparu à son domicile... allongeant ainsi la longue liste des non-rentrés ! On y trouve en effet la trace du refus de servir sous l'uniforme allemand ainsi que l'indication qu'il a été porté disparu au cours de sa déportation.

Extrait du registre des décès de la
ville de Strasbourg (SHD, GR 8 Ye 95507)
C'est donc un jugement déclaratif de décès prononcé par le tribunal de Première instance de Strasbourg qui a permis le 24 septembre 1952 de régulariser l'état civil de Paul Zemb. Sur l'extrait du registre des décès de la ville de Strasbourg également conservé dans le dossier du réserviste on apprend qu'il est le fils d'Isidore Zemb et d'Anne-Marie Kientz et que le décès de Paul est fixé au 21 août 1944. 

Outre ces renseignements d'état civil, le dossier nous éclaire également sur la manière de servir du sous-lieutenant. Le résumé de ses notes notamment montre l'important écart entre son engagement durant la campagne de 39-40 où il a donné toute satisfaction avant de se désengager progressivement dans l'armée d'Armistice.

Fiche de démobilisation de Paul Zemb datée du 31 juillet 1941
(SHD, GR 8 Ye 95507)

Paul Zemb avait été démobilisé par le 64e Régiment d'Artillerie d'Afrique (RAA) le 31 juillet 1941 à Meknès. Le justificatif produit à cet effet garde les empreintes de ses deux pouces ainsi que la signature de l'intéressé. On y découvre en bas à gauche sa nouvelle adresse à Grenoble, 9 avenue d'Alsace-Lorraine... ça ne s'invente pas ! La mention de cette nouvelle adresse se trouve également sur une fiche de renseignements datée de 1942.

Fiche de renseignements de mars 1942
(SHD, GR 8 Ye 95507)

En plus des documents précités, la fiche de 1942 indique que Paul Zemb maîtrisait l'allemand et que sa manière de servir était « mauvaise ». 

Il apparaît donc que l'Armée de Vichy ne portait pas le même jugement sur le réserviste alsacien qui avait pourtant donné toute satisfaction dans ses fonctions d'officier orienteur et de transmissions à l'État-Major du 6e Régiment d'artillerie Nord-Africain (RANA) pendant les hostilités. Tout porte à croire que cet excellent sujet, dont la discipline et le travail étaient reconnus en 1940, ne souhaitait pas mettre ses qualités au service de l'armée de Vichy, et encore moins de l'armée allemande. 

Victime de la Seconde Guerre mondiale, Paul Zemb est mort prématurément à 26 ans, 10 mois et 23 jours comme indiqué sur la base des morts en déportation sur le site Mémoire des hommes qui précise en outre la cote du dossier conservé par les Archives des victimes des conflits contemporains à Caen.

Une recherche globale sur l'ensemble des bases nominatives de ce site incontournable, permet de découvrir deux autres sources. Le dossier constitué après guerre par le bureau de la Résistance et les archives de l’ordre de la Libération qui sont à l'origine de la base de données des médaillés de la Résistance. 

Résultat de la recherche concernant Paul Zemb sur le site Mémoire des Hommes


Car si ma recherche est partie d'une visite à Schirmeck, suivie d'une consultation d'un dossier disponible au format papier à Vincennes, il y a déjà de nombreuses ressources en ligne permettant d'éclairer virtuellement le parcours militaire et civil de Paul Zemb. 

L'interrogation du site de l'ordre de la Libération permet de retrouver la trace du décret du 10 novembre 1955 qui attribue à Paul Zemb la médaille de la Résistance à titre posthume. L'objet de cette décoration est de « reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui, en France, dans l'Empire et à l'étranger, auront contribué à la résistance du peuple français contre l'ennemi et contre ses complices depuis le 18 juin 1940 ».

La consultation de la base des Victimes alsaciennes de la Seconde Guerre mondiale, renvoie vers deux autres sources. La recueil des photos des disparus du Bas-Rhin (ADEIF) qui a permis d'illustrer la notice consacrée à Paul Zemb, que je découvre, songeur derrière ses lunettes.

Capture d'écran de la notice de Paul Zemb sur le site des 
Victimes alsaciennes de la Seconde Guerre mondiale

Enfin, la fiche permet de rebondir sur le site de la Fondation pour la mémoire de la Déportation (FMD) qui publie un Livre-Mémorial des déportés arrêtés par mesure de répression. 

Copie d'écran de la page du Livre-Mémorial sur le
site de la Fondation pour la mémoire de la Déportation 
Cette base de données offre deux types de recherches par nom ou convoi : « il est possible, soit de rechercher un déporté et les informations individuelles le concernant, soit de rechercher une liste de départs en déportation ».

Lors de ma consultation le 29 novembre 2020, la base recense les noms de 89390 déportés et de 363 listes de départs en déportation. 

En sélectionnant les départs opérés depuis les territoires annexés au Reich [Partie II], on retrouve 34 listes [recensant 6390 personnes dont 1074 femmes] dont celle des 42 officiers alsaciens arrivés le 3 août 1944 au camp de Neuengamme [II.25]. La boucle est bouclée !

Copie d'écran de la page de recherche par listes de départs

Ainsi se termine la saison 2020 de mon ChallengeAZ consacré à la grande et petite histoire des Alsaciens-Lorrains à travers les guerres, avec plein de questions en suspens... J'ai envie d'en savoir plus sur Paul Zemb et de creuser toutes ces pistes en les élargissant aux sources allemandes en 2021 dans un nouveau défi qui pourrait s'intituler d'#Arolsen à #Zemb !

Quelles sources pourraient compléter ma recherche ?

Commentaires

  1. La base personnes du musée de la Résistance en ligne donne aussi quelques informations sur Paul Zemb. Une piste eventuelle : la sous série GR 3R 598 à 602.

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    1. Excellente suggestion ! Un grand merci pour ce commentaire et pour ces pistes de recherche.

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  2. Bonjour,

    Je me permets de vous écrire, en espérant que vous soyez toujours active sur ce blog, car, étant étudiant en M1 histoire à Strasbourg, je travaille sur deux victimes du régime nazi dans le cadre d'un devoir. A nous de faire les recherches sur le terrain.

    Or je vois que la biographie de Paul Zemb est déjà bien étoffée.

    Si cela ne vous dérange pas, nous pourrions peut-être échanger plus en détail sur vos recherches, afin de voir ce que je peux compléter !

    Très très bonne page en tout cas, avec de nombreuses pistes que je ne n'avais pas encore en tête.

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    1. Bonjour et merci pour votre commentaire. Au plaisir d'échanger avec vous pour compléter cette page.

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