Le « conjoint de travail » et la psychogénéalogie

Depuis le début de ma carrière, j'ai toujours fonctionné en binôme soudé et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que la notion de femme de travail « work wife » ou mari de bureau « office husband » désigne chez les anglophones cette intimité professionnelle, platonique bien sûr. Et comme toujours, la première fois est la plus marquante !

Michel Chauffeton (1943-2018) lors d'une de nos nombreuses activités de cohésion à Colmar

Mon premier « conjoint de travail » était un ancien major de l'armée terre, grade le plus élevé chez les sous-officiers. De 25 ans mon ainé, il nous a quitté en septembre 2018. Cela faisait déjà 20 ans que nous ne cohabitions plus professionnellement mais notre relation de travail s'était muée en une amitié durable et un profond respect mutuel.

Son décès m'a plongée dans une profonde tristesse que j'ai eu du mal à comprendre au départ, puisque nous ne partagions plus aucun quotidien. Un facteur aggravant a sans doute été la manière dont j'ai appris son décès, sur Facebook, alors que je ne m'y étais pas du tout préparée. Je lui avais écrit quelques semaines auparavant et j'étais dans l'attente d'un autre message. 

Si l'on en croit le post sur LinkedIn :

Si vous avez la chance d’avoir un « conjoint de travail », vous serez plus productif car vous serez plus motivé et moins stressé

Durant toutes les années où nous avions évolué ensemble, mon collègue avait toujours su absorbé de manière magique tout mon stress et sans créer pour autant de dépendances… me semblait-il ! Le magazine Marie-Claire souligne cependant les risques liés à ce fonctionnement en binôme :

Ne révélez pas toute votre vie personnelle, afin de ne pas être fragilisé en cas de conflit. Et gardez une attitude pro au bureau pour ne pas nuire à votre image et exclure vos autres collègues.

L'auteur de l'article oublie toutefois d'alerter sur un autre risque qui me semble évident à présent. Le 25 juin 2019, pour la première fois en 27 ans, je n'ai pas pu souhaité en direct à Michel Chauffeton son anniversaire. J'ai donc écrit à son fils qui était surpris sans l'être ! Pascal savait en effet que nous avions une profonde admiration mutuelle, forgée durant 7 années de fructueuse collaboration, mais il n'avait pas imaginé l'ampleur du manque que sa disparition avait entraîné de mon côté.

En fait, une conséquence inattendue pour moi du fonctionnement professionnel en binôme c'est que l'on peut au décès de son « conjoint de travail » devenir « veuf de travail », et même lorsque l'on a cessé toute activité conjointe depuis déjà fort longtemps.

Je ne pense pas pour autant me lancer dans un nouvel arbre généalogique incluant ma famille de travail, même si j'ai plaisir à garder le contact avec les enfants de feu mon cher collègue.

Ah, psychogénéalogie quand tu nous tiens... Bon anniversaire et à votre santé, Major !

Messages échangés en juin 2016 sur Facebook à l'occasion de la remise des diplômes de conservateur du patrimoine 


Commentaires